2020, année Covid
Affronter l’inconnu: trois témoignages
au cœur de nos CMS

Pendant la première phase de la crise, j’ai gardé les tâches les plus urgentes liées à ma fonction, notamment assurer le paiement des loyers et des factures des clients que j’accompagne. J’ai dû mettre le reste de côté pour me consacrer par exemple à l’aide aux courses, indispensable aux personnes les plus fragiles qui devaient rester chez elles afin de se protéger.

Un lien s’est créé avec deux de ces personnes. La première a été hospitalisée après avoir été contaminée par le virus. Peu de temps après, elle est malheureusement décédée. Cela m’a énormément affecté. La seconde, qui souffrait d’une grave maladie pulmonaire, a elle aussi contracté le virus. Après 12 jours d’hospitalisation sans soins intensifs et sans respirateur, elle a vaincu la maladie et a pu rentrer chez elle dans son appartement adapté.

Ces deux événements m’ont montré que le virus était vraiment imprévisible, qu’il pouvait frapper n’importe qui de façon aléatoire. J’ai compris qu’il faudrait rester flexible et s’adapter en toutes circonstances.

Aujourd’hui, les mesures d’hygiène et les restrictions sanitaires imposées à certains secteurs sont beaucoup débattues dans la société. Ce qui me préoccupe personnellement c’est la souffrance sociale liée à la crise écono-mique qui se profile.

Avant de devenir responsable d’équipe dans le domaine des soins à domicile, j’avais fait la majeure partie de ma carrière en milieu hospitalier, avec un personnel soignant régulièrement confronté à des personnes en isolement. Ce n’était pas le cas au CMS, il a donc fallu expliquer aux collaborateurs comment se protéger et protéger leurs clients. Je me suis mis en quête d’informations sur ce mystérieux virus. Quelles directives donner? Comment faire la différence entre la symptomatologie d’une grippe et celle du COVID-19? Les questions étaient nombreuses. Nous ne savions pas comment les choses allaient évoluer ni si l’épidémie serait contrôlée dans les semaines à venir. Une période difficile à cause du sentiment d’angoisse, de peur de l’inconnu, bien compréhensible chez les personnes allant sur le terrain.

Par l’information souvent contradictoire qui tournait en boucle sur les médias, nos collaborateurs-trices découvraient l’évolution de la situation en même temps que nous – et en direct. Leurs interrogations étaient semblables aux nôtres. Nous, nous devions parfois attendre les consignes officielles pour la prise en charge des clients. C’était sans doute cela le plus délicat: expliquer, rassurer en donnant les consignes claires et pertinentes que l’équipe attendait alors que nous ne pouvions guère les fonder sur des certitudes scientifiques.

Au départ, la crise a été une quantité de points d’interrogation sans réponse: qu’est-ce que c’était que ce virus? Qu’est-ce qu’il changerait chez moi, dans ma famille, dans ma pratique professionnelle?

Ensuite, il y a eu beaucoup de travail de réorganisation, d’encadrement et de soutien. Dans mon parcours, j’ai participé à la lutte contre le sida et j’ai retrouvé un peu la même atmosphère d’incertitude et de peur qu’à l’époque du VIH. Chacun a sa propre interprétation des événements en fonction de son vécu. L’important est une communication efficace: tous les jours, nous avons rassemblé les personnes clé du CMS dans une grande salle afin qu’elles reçoivent les mêmes informations au même moment.

Toutes les procédures de travail ont été revues avec un objectif commun: les soins au client. On s’est aperçu que les collaborateurs-trices pouvaient se réapproprier des précautions standard, éprouvées depuis longtemps, comme l’hygiène des mains ou le port du masque, couramment pratiqués en période de grippe.

Pour le futur, je ne peux qu’espérer le retour d’une liberté en partie perdue – en tout cas au niveau privé. Si dans le cadre professionnel nous sommes habitués depuis longtemps à certaines contraintes, notre manière de vivre ensemble a été bouleversée.